Le séminaire organisé par Sabine ARNAUD, aura lieu le 28/02/2017 de 18h30 à 20h30.
Adresse : Salle Germaine Tillion, Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche (MESR), 25 rue de la Montagne Sainte Geneviève, 75005 Paris.
Inscription obligatoire et lien vers le site.
Résumé :
Les années soixante ont connu un renouveau d’intérêt pour les langues des signes et une mise en question du rôle donné à la parole, notamment à travers les travaux du linguiste William Stokoe, des activistes Alexandre G. Ewing et Thomas Humphries, et l’ouvrage De la Grammatologie de Jacques Derrida. Cet intérêt s’est cristallisé par l’invention à quelques années d’intervalle de deux termes : « phonocentrisme » et « audism » [terme défini dans l’American Heritage Dictionary comme « la croyance que les personnes douées de l’ouïe sont supérieures à celle qui sont sourdes et malentendantes » et comme « discrimination ou préjudice à l’encontre des personnes qui sont sourdes ou malentendantes »]. Apparus dans des contextes très différents – un ouvrage de philosophie et un texte polémique sur l’identité sourde – ces termes ont pour point commun de mettre en question l’hégémonie de la parole ou du logos dans la conception du langage et son rôle dans le développement de la pensée. Leurs approches entrecroisent des enjeux linguistiques, idéologiques et philosophiques et appellent à reconsidérer notre conception de l’acte de penser.
Le caractère tardif de la reconnaissance des langues des signes est étonnant. Ferdinand de Saussure, le héraut de la linguistique moderne, fait déjà du rôle donné à la parole un accident et non une nécessité linguistique. Plus encore, une longue généalogie de textes littéraires, rhétoriques, anthropologiques, médicaux et philosophiques, articulent le rôle de la langue des signes dans l’expression d’émotions, le développement de la rationalité, l’accès aux connaissances et le vivre en société. À l’appui de travaux publiés en Europe et aux États-Unis depuis le XVIIe siècle, ce séminaire resituera ces analyses récentes dans un ample panorama, permettant d’apprécier la radicalité changeante des conceptions de l’espèce humaine et de son rapport au langage.